De la Préhistoire à l’Actuel :
Culture, Environnement et Anthropologie

PACEA UMR 5199

Communiqué : Retracer l’évolution des premières cultures humaines…

Retracer l’évolution des premières cultures humaines : une utilisation de l’ocre continue et en évolution constante il y a 40 000 ans en Éthiopie

  • Des matières colorantes minérales, sont utilisées en Afrique depuis au moins 300 000 ans, soit depuis l’apparition des premiers Homo sapiens.
  • La Grotte du Porc-Epic, en Éthiopie, a livré la plus abondante collection de fragments d’ocre connue à ce jour.
  • Leur analyse permet de documenter de façon précise de quelle façon les technologies et les matières premières colorantes ont changé au cours des 4500 ans d’occupation du site.

 

Une équipe de chercheurs espagnols et français a analysé la plus abondante collection de fragments de matières colorantes rouges et jaunes (ocre) connue à ce jour. Datés du Middle Stone Age (300 000 à 40 000 ans), ces fragments ont été découverts dans la grotte du Porc-Epic, à Dire Dawa, en Éthiopie. Leur étude, publiée dans Scientific Reports, révèle que les groupes humains qui ont habité ce site ont progressivement modifié les techniques employées pour produire des colorants en raison de changements culturels ou environnementaux leur donnant un accès réduit aux matières premières de qualité.

L’utilisation de colorants est considérée une étape clef du développement culturel des sociétés humaines. Rares, cependant, sont les sites archéologiques ayant livré des preuves abondantes de ce comportement, permettant de retracer précisément de quelle façon ces minéraux étaient acquis, traités et utilisés.

La grotte du Porc-Epic, en Éthiopie, datée d’environ 40 000 ans, est l’un des rares sites paléolithiques africains ayant livré un grand nombre de fragments d’ocre. Plus de 40 kg d’ocre (4213 pièces) et 21 outils utilisés pour extraire de la poudre colorante ont été découverts lors des fouilles du site.

L’analyse approfondie de cette collection unique fait l’objet d’une publication par une équipe internationale de chercheurs dirigée par Daniela Rosso, de l’université de Valencia (Espagne), en collaboration avec des chercheurs du CNRS.

En analysant la composition chimique des pièces d’ocre trouvées sur le site et d’ocre naturelle provenant des environs de la grotte, et en étudiant les techniques employées pour traiter ces roches, les auteurs dévoilent la façon dont les habitants de Porc-Epic exploitaient ces ressources minérales pendant le Middle Stone Age (300 000 -40 000 ans). Les résultats de cette étude montrent qu’ils étaient en mesure de prédire les propriétés des différents types d’ocre accessibles dans leur environnement et d’adapter progressivement leur technologie à des changements de matières premières.

Différents types d’ocre ont été ramassés et emmenés sur le site pour produire des poudres d’ocre de différentes textures et tonalités, probablement adaptées à différents types d’activités, de nature fonctionnelle ou symbolique. La présence constante d’ocre rouge, riche en hématite, tout au long des occupations du site, indique que les habitants de Porc-Epic s’intéressaient spécifiquement à cette couleur et minéral lorsqu’ils ramassaient des fragments d’ocre dans l’environnement, ou lorsqu’ils les échangeaient avec des populations voisines.

Les pièces d’ocre à grain fin, riches en oxydes de fer et rares dans les environs de la grotte, étaient souvent abrasées sur des meules pour produire une poudre d’ocre de qualité, caractérisée par une texture fine et une couleur rouge intense. Les fragments d’ocre de moindre qualité, riches en grains de quartz, abondants dans les environs de la grotte, étaient plus souvent broyés pour produire une poudre grossière. L’ocre de qualité est plus abondante au début de l’occupation du site. L’emploi d’ocre de moindre qualité augmente progressivement au cours du temps. Ces changements dans l’utilisation de l’ocre sont le reflet d’une culture en lente transition, remplaçant progressivement des roches exotiques riches en oxydes de fer par des roches de moindre qualité, plus pauvres en cet élément, mais disponibles à l’échelle locale. Cela pourrait être la conséquence d’un changement culturel, entraînant un besoin croissant de poudre plus grossière, lié à un plus fort poids pris par certaines activités, soit à un accès plus réduit à des matières premières de qualité, dû à l’évolution des processus érosifs rapprochant du site les matières premières de bonne qualité à partir de leurs sources primaires.

L’étude de l’ocre Porc-Epic met en évidence une pratique culturelle profondément ancrée dans la société de la fin du Middle Stone Age mais en constante évolution, au cours d’une période clé pour notre compréhension de l’origine et du développement des cultures complexes.

 

Figure et légende

En haut à gauche : localisation de la Grotte du Porc Epic ; en haut à droite : vue de la grotte (photo : A. Herrero) ; en bas : fragments d’ocre découverts dans les couches archéologiques et analysés dans l’étude (photo : D. Rosso).

Note

Cette étude a été menée par des chercheurs de l’Université de Valencia, Espagne (Departament de Prehistòria, Arqueologia i Història Antiga, groupe de recherche PREMEDOC), du laboratoire CEPAM (Université Côte d’Azur) et du laboratoire PACEA (CNRS/Université de Bordeaux), France. Cette recherche a été financée par la Generalitat Valenciana, Espagne ; le Ministerio de Ciencia e Innovación, Espagne ; la Fondation Fyssen, France ; le SFF Centre for Early Sapiens Behaviour (SapienCE), Norvège ; le programme de recherche LaScArBx (Univ. Bordeaux) ; le programme Talents, France ; le Grand Programme de Recherche ‘Human Past’ de l’Initiative d’Excellence (IdEx) de l’Université de Bordeaux et l’ERC Synergy Grant QUANTA (No. 951388).

 

Laboratoires CNRS impliqués

CNRS, MCC, PACEA, UMR5199, Université de Bordeaux, 33615, Pessac, France

CNRS, CEPAM, UMR7264, Université Côte d’Azur, 06300 Nice, France.

 

Reference de la publication

Rosso DE, Regert M, d’Errico F. 2023. First identification of an evolving Middle Stone Age ochre culture at Porc-Epic Cave, Ethiopia. Scientific reports.

 

Coordonnées

Chercheuse postdoctorale l Daniela Rosso l Universidad de Valencia, Espagne

daniela.rosso@uv.es

Tél. 0034 659644948

 

Chercheur CNRS l Francesco d’Errico l PACEA UMR 5199, CNRS, Université de Bordeaux

francesco.derrico@u-bordeaux.fr

Tél. 0033 (0)540002628 ; 0033 (0)625616854

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