De la Préhistoire à l’Actuel :
Culture, Environnement et Anthropologie

PACEA UMR 5199

Article : Une nouvelle culture, en Chine, il y 40 000 ans

Une équipe internationale de chercheurs, dont des chercheurs des de PACEA, révèle la découverte, dans le nord de la Chine, d’un site vieux de 40 000 ans fréquenté par une population qui présente des traits culturels originaux ne correspondant pas à ceux des populations archaïques de la région ou à ceux généralement associés à l’expansion des populations modernes. Mis en évidence à Xiamabei, le nom du site, la découverte de cette nouvelle culture semble indiquer l’existence de processus d’innovation et de diversification culturelle émergeant au cours d’une période d’hybridation génétique et culturelle.

Les résultats de ces recherches, financées notamment par le Grand Programme de Recherche Human Past de l’Université de Bordeaux et par l’Idex, viennent d’être publiés dans la revue Nature.

L’un des événements les plus marquants de l’évolution humaine a été l’expansion mondiale d’Homo sapiens. Des preuves fossiles, génétiques et archéologiques indiquent que des populations d’hommes
anatomiquement modernes se sont dispersées hors d’Afrique à plusieurs reprises au cours des derniers 200 000 ans en se croisant, lors de leur migration à travers l’Eurasie, avec des homininés dits archaïques,
tels que les Néandertaliens et les Dénisoviens, Les données paléoanthropologiques et archéologiques restent toutefois ambiguës quant à l’arrivée des populations modernes en Asie orientale et à leurs interactions avec les populations autochtones. Il a été avancé que des hommes modernes étaient présents en Chine il y a 110 000 ans, mais ce scénario a été remis en question récemment par des nouvelles datations et analyses génétiques. Une présence de populations modernes en Chine semble être attestée, grâce à des restes humains, il y a au moins 40 000 ans, mais aucun changement comportemental pouvant être rattaché à cette colonisation était détecté dans le registre archéologique de cette vaste région avant environs 29 000 ans, période qui voit la diffusion de technologies de taille de la pierre permettant la production standardisée de microlamelles.

Il a été souvent avancé que l’expansion des hommes modernes a été facilitée par des innovations sociales et symboliques. L’utilisation, par exemple, de pigments et de technologies miniaturisées ont été considérées comme des indicateurs archéologiques d’une plus forte complexité culturelle, indice des avantages adaptatifs qui auraient facilité la diffusion des populations modernes. Mais mis à part l’utilisation d’objets de parure et pigments dans une des grottes de Zhoukoudian (vers 35-33 000 ans) et des perles de Shuidonggou (vers 31 000 ans) aucune autre trace claire de ces comportements était connue.

Les restes archéologiques mis au jour dans le site de Xiamabei, dans le nord de la Chine, et leur analyse par une équipe internationale, incluant des chercheurs du CNRS1, comble ce manque et, à la fois, jette une nouvelle lumière sur ce moment clef de l’histoire du peuplement de l’Asie. Une nouvelle culture, en Chine, il y 40 000 ans
Les humains qui ont fréquenté ce site ont utilisé des petits outils en pierre, taillés par percussion bipolaire, et les ont parfois fixés avec des colles végétales dans des manches en os pour travailler la peau, le bois et couper la viande. Ils ont amené au site plusieurs types d’ocre qu’ils ont abrasé et broyé pour utiliser la poudre rouge ainsi produite dans une activité non identifiée, mais qui a laissé une large tache rouge sur le sol d’habitat. Un éclat allongé d’os, à peine modifié, a été utilisé, probablement pour travailler la peau.

Ces traits culturels inédits pourraient refléter une première colonisation par des humains modernes, ayant peut-être eu des échanges culturels et génétiques avec les Denisoviens locaux, remplacée par une arrivée plus tardive. Ils pourraient aussi correspondre à une évolution culturelle locale de populations Dénisoviennes, peut-être suite à un contact avec des populations modernes. L’absence de restes humains à Xiamabei ne permet pas de trancher, mais montre que le scénario d’une diffusion d’innovations associée à une vague unique et rapide de populations d’H. sapiens à travers l’Eurasie est simpliste.

Xiamabei suggère un scénario plus complexe avec des épisodes répétés d’échanges génétiques et culturels sur de vastes zones géographiques : un modèle en mosaïque impliquant, dans certains cas, la propagation de paquets d’innovations, et dans d’autres, la persistance de traditions locales avec adoption de certaines innovations se soldant par différents taux de complexités dans les pratiques technologiques et symboliques.

Bibliographie
Fa-Gang Wang1
†, Shi-Xia Yang2,3,4,5†* Jun-Yi Ge2,3, Andreu Ollé6,7, Ke-Liang Zhao2,3, JianPing Yue8
, Daniela Eugenia Rosso9,10, Katerina Douka4,11, Ying Guan2,3, Wen-Yan Li1
, HaiYong Yang12, Lian-Qiang Liu1
, Fei Xie1
, Zheng-Tang Guo13, Ri-Xiang Zhu14, Cheng-Long
Deng14,15*, Francesco d’Errico16,17*, Michael Petraglia4,18,19,20* Ochre processing and tool
innovations in China ~40,000 years ago. Nature

Contacts
Chercheur CNRS l Francesco d’Errico l francesco.derrico@u-bordeaux.fr | 0540002628 | 0625616854
Communication CNRS | Laurence Chevillot | laurence.chevillot@cnrs.fr | 0557385877 | 0613548786

A voir : https://youtu.be/YNxkM4S-KYc

Localisation du bassin de Nihewan, dans lequel se trouve le site de Xiamabei (en haut) ; site en cours de fouille (au centre) ; niveau archéologique daté de 40 000 ans avec vestiges archéologique in situ (en bas). Photos Wang.

Fragment d’ocre portant des traces d’abrasion (gauche) et eclat d’os long sommairement aménagé par raclage et portant des traces d’utilisation à une extrémité (photos d’Errico, Rosso, Yang).

 

 

 

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