De la Préhistoire à l’Actuel :
Culture, Environnement et Anthropologie

PACEA UMR 5199

Les Néandertaliens étaient capables de s’adapter au changement climatique

Les Néandertaliens ont été souvent considérés comme des populations cherchant refuge dans le sud de l’Europe lors des périodes glaciaires et dont la disparition même serait à imputer à un changement climatique auquel ils n’auraient pas été capables de faire face. Une équipe internationale d’archéologues, écologues et modélisateurs du climat, dont des scientifiques issus des laboratoires De la Préhistoire à l’Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA – CNRS / Univ. Bordeaux / Ministère de la Culture), Histoire naturelle de l’Homme préhistorique (HNHP – CNRS / MNHN / Univ. Perpignan Via Domitia) et du Laboratoire de Géographie Physique : Environnements Quaternaires et Actuels (LGP – CNRS / Univ. Panthéon-Sorbonne / Univ. Paris-Est Créteil Val-de-Marne) met à mal cette idée en montrant que les Néandertaliens de l’ouest et sud-ouest de la France ont produit des innovations technologiques pour continuer à exploiter leurs territoires entre 70 000 et 60 000 ans avant le présent, lors d’un fort refroidissement du climat. Ces résultats sont parus dans la revue Scientific Reports.

L’idée selon laquelle les Néandertaliens étaient porteurs de cultures relativement simples et imperméables à l’innovation a été contredite à plusieurs reprises aux cours des dernières années par des découvertes montrant la complexité de leurs comportements techniques et symboliques. L’idée persiste encore que ces populations étaient incapables de s’adapter à des changements environnementaux majeurs et préféraient chercher refuge dans les zones plus méridionales de l’Europe pendant les phases les plus sévères des périodes glaciaires. A plusieurs reprises, un changement climatique a été évoqué comme la seule raison de leur disparition, et cela avant même l’arrivée des Hommes Modernes en Europe.

Pour vérifier l’hypothèse d’une prétendue incapacité des Néandertaliens à faire face aux changements climatiques, une équipe de chercheurs de plusieurs nationalités (française, américaine, italienne et équatorienne) appartenant au CNRS, au Muséum National d’Histoire Naturelle, à l’INRAP, et à l’Université du Kansas, dont des scientifiques issus des laboratoires De la Préhistoire à l’Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA – CNRS / Univ. Bordeaux / Ministère de la Culture), Histoire naturelle de l’Homme préhistorique (HNHP – CNRS / MNHN / Univ. Perpignan Via Domitia) et du Laboratoire de Géographie Physique : Environnements Quaternaires et Actuels (LGP – CNRS / Univ. Panthéon-Sorbonne / Univ. Paris-Est Créteil Val-de-Marne), a appliqué une technique qui a fait ses preuves en écologie, appelée modélisation de niche écologique, aux sites néandertaliens français datés entre 82 000 et 60 000 avant le présent. La période concernée couvre la fin du dernier interglaciaire, caractérisée par des conditions climatiques proches de l’actuel et, à partir de 70 000 ans, une phase glaciaire, appelée Stade Isotopique 4. L’intérêt de la modélisation de niche écologique est qu’elle permet, en utilisant la localisation de sites attribués à différentes cultures archéologiques et des modèles climatiques à hautes résolutions, d’identifier les niches écologiques exploitées par chaque culture néandertalienne et de pouvoir les comparer de façon quantifiée.

C’est en reconstituant leurs niches successives que les chercheurs se sont rendus compte qu’à l’arrivée des grands froids du Stade Isotopique 4, certaines communautés néandertaliennes ont changé leurs façons de fabriquer des outillages en inventant un mode de taille et de retouche des outils appelé « Quina », du site éponyme en Charentes, et ont continué à exploiter les mêmes territoires. La comparaison des niches montre que, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, ces communautés n’ont pas recherché plus au sud des territoires semblables à ceux auxquels elles étaient adaptées, mais sont restées sur place en faisant face au changement climatique avec des innovations technologiques. Le résultat de ce comportement est une niche plus petite et différente de celle de la période précédente, par rapport à ses dimensions environnementales. Les chercheurs font remarquer que la technologie Quina est plus souple que celle utilisée auparavant et permet de réaffuter les outils à plusieurs reprises, rendant les groupes néandertaliens moins dépendants des sources de matières premières et en particulier de silex de bonne qualité. Ceci leur a permis une plus forte mobilité et indique leur grande capacité à s’adapter à des milieux changeants.

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Haut : niche éco-culturelle des populations néandertaliennes du centre-ouest de la France il y 80 000 ans, associée à une technologie dite « Levallois » ; centre: niche à 80 000 ans projetée sur les conditions environnementales du Stade Isotopique 4 pour montrer où les populations néandertaliennes auraient dû se déplacer si elles avaient continué à exploiter les mêmes environnements pendant cette période de refroidissement climatique entre 70 000 et 60 000 ans avant le présent (BP) ; bas : niche éco-culturelle exploitée par les populations néandertaliennes pendant le Stade 4. Pendant cette période nous observons la technologie dite « Quina » émerger dans le sud de la région d’étude. Crédits : dessin de la pointe Levallois de la part de J-L Locht et celui du grattoir Quina de J-P Faivre.

 

Référence

Banks WE, Moncel M-H, Raynal J-P, Cobos ME, Romero-Alvarez D, Woillez M-N, Faivre J-P, Gravina B, d’Errico F, Locht J-L, Santos F. An ecological niche shift for Neanderthal populations in Western Europe 70,000 years agoSci. Rep. 2021

 

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